Directeur marketing pendant 15 ans, Antoine Sentis quitte l’entreprise familiale à 35 ans, avec 4 enfants. Sans plan B, il s’inscrit au Cours Florent sans avoir jamais fait de théâtre. Aujourd’hui, sa pièce « Relationshit » se joue à Paris. Voici son histoire de reconversion professionnelle inspirante.
Le déclic : quand tout bascule dans l’entreprise familiale
Antoine Sentis semblait avoir tout pour lui : directeur du marketing et de la communication dans une entreprise d’édition de logiciels qu’il connaissait depuis 15 ans, une équipe de 50 collaborateurs, une voiture de fonction, un salaire confortable. À 35 ans, il incarnait la réussite professionnelle classique.
Puis vient la réorganisation.
Celle qui va tout changer. Antoine perd son périmètre stratégique, ce « bébé » qu’il a construit pendant des années. Mais le plus dur n’est pas là. Le plus dur, c’est qu’il l’apprend par sa mère, qui en parle d’abord à sa femme.
« Il y a un mélange des genres où non seulement c’est compliqué d’un point de vue pro, mais en plus, familialement, relationnellement, c’est difficile, » explique-t-il.
Face à cette situation toxique dans l’entreprise créée par son père, Antoine prend la décision la plus difficile de sa vie : partir. Sans savoir où aller.
Le bilan de compétences : se redonner le choix
Après son départ, Antoine envisage naturellement de retrouver le même type de poste. C’est alors que sa belle-sœur lui lance une phrase qui va tout changer :
« Tu devrais te redonner la chance de pouvoir re-choisir ce que tu fais. »
Cette simple phrase le pousse à faire un bilan de compétences. Un outil qu’il recommande aujourd’hui chaudement :
« Ce qui est bien dans le bilan, c’est que ça te permet d’être lucide sur soi. Tu fais la lumière sur qui tu es et tu relis ton parcours de vie à la lumière des connaissances que tu peux avoir sur toi. »
Le bilan de compétences ne lui donne pas LA réponse toute faite, mais lui permet de faire des choix éclairés sur son avenir professionnel.
Le Cours Florent : un stage qui change tout
Parallèlement au bilan, sa femme lui suggère de faire un stage de théâtre pendant ses vacances de février. Antoine n’a jamais fait de théâtre de sa vie, mais il se dit « pourquoi pas ? ».
En quelques clics sur internet, il s’inscrit au Cours Florent pour une semaine intensive. La veille du stage, il se demande encore ce qu’il va « foutre là une semaine ».
Le premier jour, c’est la révélation :
« J’arrive à ce stage et je me prends une grosse claque. J’adore. »
Trois éléments le séduisent immédiatement :
- Le plaisir du jeu : l’aspect ludique des improvisations
- La découverte d’auteurs comme Tchekhov, « une mine d’or sur la connaissance de l’homme »
- L’authenticité : « Tu peux pas tricher au théâtre. Tu dois être vrai, alors que tout est faux en soi »
À la fin du stage, il apprend qu’il est admissible à l’école. À 35 ans, avec 4 enfants, il se dit : « C’est une folie, mais ça pourrait être marrant. »
Trois ans au Cours Florent : entre passion et doutes
Antoine s’inscrit donc au Cours Florent. Le voilà étudiant à 35 ans, entouré de jeunes de 19 ans qui sortent du bac.
« Tu redeviens étudiant, donc t’as toute l’excitation de la découverte, de la nouveauté. »
Mais la reconversion n’est pas un long fleuve tranquille. La première année, c’est l’enthousiasme de la découverte. La deuxième année, ça commence à s’effriter. Et la troisième année, les doutes s’intensifient :
« Je ne savais pas du tout où j’allais. C’est ça, le grand paradoxe, le truc très étrange que j’ai vécu pendant trois ans. Je me suis accroché pendant trois ans, sans savoir où j’allais. Mais vraiment sans savoir. »
Pourtant, une petite voix intérieure lui répète : « Tu es à ta place. »
« Relationshit » : transformer ses blessures en création
En troisième année, un professeur propose aux étudiants d’écrire et de mettre en scène leurs camarades. Antoine, qui n’a jamais rien écrit, lève la main.
Le conseil du prof est simple : « Écrivez sur quelque chose qui vous touche. »
Le sujet devient alors évident : les relations toxiques en entreprise, cette « relationshit » qu’il a vécue. Il écrit des scènes inspirées de son expérience du monde corporate, des open spaces, des non-dits, des jeux de pouvoir.
Sa pièce « Relationshit » est née. Mais le Cours Florent refuse de la programmer dans le cadre des Travaux de Fin d’Études.
« Je me fais recaler au premier tour. En plus, pour moi, le pitch, c’est ma spécialité. J’avais envie de leur dire : OK, vous allez voir ce que vous allez voir. Je vais la monter la pièce. Avec ou sans vous. »
Monter sa pièce sans réseau : le pari fou
Antoine décide de monter sa pièce seul. Il fait tout « à l’envers » : il commence par recruter des comédiens avant même d’avoir une salle.
Il poste une annonce sur un site de casting en précisant : répétitions non payées, pas de dates de représentation confirmées.
Résultat : 400 candidatures en une heure.
« Des gens, des professionnels. Alors que je n’ai aucun nom, personne ne me connaît. «
Il retient 5 comédiens et leur dit : « J’ai un texte, mais je ne sais pas où et quand on va le jouer. »
Après plusieurs tentatives auprès d’entreprises (Welcome to the Jungle, Madnness, Paris-Saclay), Antoine prend le risque financier de louer le Studio Hébertot pour 5 représentations à 600€ la soirée.
Les 5 dates affichent complet grâce au réseau cumulé de l’équipe. Le théâtre, impressionné par l’affluence, lui propose alors 18 dates programmées à la rentrée.
La réalité de la reconversion artistique
Aujourd’hui, « Relationshit » se joue tous les lundis et mercredis au Studio Hébertot à Paris. Mais Antoine est honnête sur la réalité économique de sa reconversion :
« Je ne vis pas du théâtre. Financièrement, ça me coûte plus que ça me rapporte. »
Il vit de ses activités de coach et formateur en prise de parole, un pont naturel entre son expérience du marketing, du management et sa formation théâtrale.
Les doutes sont toujours là :
« Tu pourrais te dire, bah ça y est, t’as fait 18 dates. Ça y est, t’es légitime enfin, quoi. Bah non, t’as toujours ce truc de… T’es toujours en chemin. Les doutes que j’avais en première année au Cours Florent, je les ai encore aujourd’hui. »
Mais il assume pleinement son choix :
« Ce qui me plairait, c’est de continuer à monter des spectacles. Ce qui me plaît le plus, c’est la création. »
Les conseils d’Antoine pour se reconvertir
Fort de son expérience, Antoine partage ses conseils pour ceux qui envisagent une reconversion professionnelle, particulièrement dans l’artistique :
1. Faites un bilan de compétences
« Je pense que c’était hyper important que je fasse ce bilan de compétences, d’être lucide par rapport à qui je suis, à mes limites, à mes faiblesses, à tous mes angles morts. »
2. Ne brûlez pas vos bateaux trop vite
« Attends-toi à ne pas gagner d’argent, en tout cas pas tout de suite. Prévois un plan B. Ne brûle pas tes bateaux tout de suite. »
3. Posez-vous les bonnes questions
« Qu’est-ce qui est important pour moi ? Qu’est-ce que tu veux vraiment, en fait ? C’est des questions qu’on se pose pas ou peu, malheureusement, trop peu, alors que c’est des questions essentielles. »
4. Acceptez l’inconfort
« Oui, tu vas avoir peur. Oui, tu vas avoir des doutes. Oui, ça ne va pas être simple tous les jours. Oui, ça va être inconfortable. Mais la vue en haut du sommet, elle est chouette. »
5. Transformez vos blessures
« Regarde les zones dans ta vie où tu as été blessé, où tu as mal vécu quelque chose. Reste pas une victime. Regarde ta part, et vois comment tu peux transformer ça. Tu peux vraiment transformer le plomb en or. »
6. Entourez-vous bien
Antoine insiste sur le soutien crucial de sa femme tout au long de son parcours :
« J’ai été entouré par ma femme, en fait, qui a été un énorme soutien. Je n’étais pas tout seul. »
Le message final d’Antoine
Si Antoine devait résumer son message en une phrase, ce serait celle-ci :
« N’aie pas peur et fais confiance en la vie. Sois lucide avec toi-même. Mais passe pas à côté de ta vie, quoi. C’est trop con. T’en as qu’une, donc vas-y. »
Pour aller plus loin
La pièce « Relationshit » d’Antoine Santis se joue tous les lundis et mercredis à 21h au Studio Hébertot à Paris. Une satire intelligente et touchante sur les relations toxiques et la communication dysfonctionnelle dans le monde du travail.
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La pièce Relationshit
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Si, comme Antoine il y a quelques années, vous vous posez des questions sur votre avenir professionnel, le bilan de compétences peut être un outil puissant de lucidité sur vous-même.
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