« C’est l’une des plus belles décisions de ma vie. » Sylvie Cacharron

Ouvrir un restaurant en Ardèche

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Alors que beaucoup de gens rêvent de s’installer à la campagne depuis le confinement, Sylvie avait, elle, déjà sauté le pas en octobre dernier (2019). Ancienne responsable commerciale pour les antennes de Radio France, elle est partie monter un restaurant, avec son mari et ses deux enfants, de 1 an et 3 ans, en Ardèche. Elle nous raconte comment sa situation professionnelle, le stress et les contraintes de la vie parisienne les ont poussés à changer de vie et le bonheur qu’elle éprouve aujourd’hui, chaque matin, en se levant.

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Quel est ton parcours professionnel?

Après une licence en sciences du langage, français langue étrangère, à Grenoble, je suis montée à Paris faire une école de commerce. J’ai ensuite réalisé toute ma carrière dans la publicité. J’ai commencé en agence média, pendant cinq ans, comme chargée de budget puis responsable radio avant d’être débauchée par Radio France où je suis restée neuf ans. J’y étais responsable commerciale, c’est-à-dire que je vendais les espaces de communication des antennes auprès des annonceurs et des agences médias. 

Et aujourd’hui, que fais-tu?

Je suis en pleine création d’entreprise avec mon mari, Julien. On compte ouvrir un restaurant où l’on fera de la cuisine familiale, en utilisant uniquement des produits de saison, issus du territoire local. On souhaite sensibiliser les gens sur les produits qui sont disponibles autour de chez eux, redynamiser l’économie locale et redonner de la valeur à la cuisine et au goût.

Comment passe-t-on de commerciale chez Radio France à un projet de restaurant en Ardèche?

Il était impossible pour moi de continuer à évoluer et à progresser chez Radio France en raison de la structure de l’entreprise. Ce qui veut dire que j’aurais été cantonnée dans mon rôle de responsable commerciale pendant encore 20 ou 25 ans. Je n’avais pas non plus envie de retourner en agence média ou d’aller dans une autre régie, car j’avais pas mal d’avantages : un bon salaire, de bonnes conditions de travail, de l’autonomie et de l’indépendance. Et puis, la mentalité de l’univers ne me correspondait plus trop. J’avais l’impression de ne pas servir à grand-chose et il y avait une certaine forme de redondance.

J’en avais marre également de devoir respecter certaines règles de management avec lesquelles je n’étais pas d’accord, par rapport à des collègues notamment. Il y avait des gens qui bossaient et d’autres pas, mais qui étaient considérés de la même façon. Voire mieux. C’était insupportable pour moi. J’avais aussi envie de pouvoir faire ce que je voulais quand je voulais et le seul moyen de faire ça c’est d’avoir son entreprise. Du coup, on s’est dit pourquoi pas partir et monter notre projet à deux. Julien travaille, lui, dans la restauration depuis vingt-cinq ans. 

Quel a été le déclic?

C’est venu progressivement. On souhaitait déjà, depuis plusieurs années, quitter Paris pour se rapprocher des premières filles de mon mari. Et puis, on a eu les enfants et ce n’était pas la vie qu’on voulait leur apporter. On a été élevés tous les deux en région. On avait donc commencé à travailler le projet quand j’ai eu Louis. Et ensuite, quand je suis tombée enceinte de Lila, j’ai dit on y va. Il fallait qu’on parte. On a établi un triangle de recherche pour acheter une maison et on l’a trouvée, en mai 2019, pendant que j’étais en congé maternité de ma fille.

On a eu un coup de cœur. On a fait les papiers, la demande de prêt et j’ai négocié une rupture conventionnelle. On a signé l’acte de vente en août et emménagé à l’automne. C’est une maison de ville de cinq étages avec deux jardins. Le restaurant sera en bas avec trente couverts à l’intérieur et une quinzaine de places à l’extérieur. On n’aurait jamais pu monter un projet comme ça sur Paris. On avait besoin d’être dans un univers plus humain et de mettre en avant des produits qui ont de la valeur et de l’intérêt, pas que de l’industriel. Et puis surtout, à Paris, on serait restés chacun dans nos domaines respectifs : moi en radio et Julien en restauration.

Sylvie Cacharron a créé le restaurant Simone et Jean-Paul
Sylvie a quitté Paris pour ouvrir un restaurant en Ardèche.

Cela a été facile d’obtenir ta rupture conventionnelle?

Oui, parce que j’avais déjà prévenu ma direction, une bonne année, avant que je souhaitais retourner en région. Mon boss comprenait très bien qu’on pouvait avoir envie de changer de vie après avoir eu des enfants, que ça fait partie de l’évolution, et à Radio France à part prendre son poste, je ne pouvais pas faire autre chose.

J’écoute l’épisode de podcast: Comment négocier sa rupture conventionnelle ?

Comment te sens-tu par rapport à cette reconversion ?

Je repars de zéro. Je n’ai jamais bossé dans la restauration ni créé d’entreprise. Ce sont de nouvelles responsabilités et un beau challenge. Je suis hyper motivée, même si je suis également un peu stressée parce que c’est un univers que je ne connais pas du tout et qu’il y a plein de démarches administratives à faire. Mais je me dis que je vais apprendre et on va se mettre en place petit à petit.

Qu’as-tu trouvé en Ardèche par rapport à Paris ?

Le calme, la sérénité, et des gens, souriants et gentils, qui prennent le temps de vivre. On parle avec nos voisins, on se donne des choses, on discute de tout et de rien. Il y a une bienveillance que je n’avais pas à Paris. Le contact humain est beaucoup plus sain. 

Qu’est-ce qui a été difficile dans le fait de partir?

Le plus compliqué a été l’arrivée dans la maison dont le confort était spartiate. Il n’y avait pas de chauffage, quasiment pas d’eau chaude. Les toilettes étaient dans un état pitoyable. L’électricité ne marchait pas. Il y avait zéro confort. Du coup, tu apprends à te débrouiller autrement et à avoir froid (rires). J’ai vécu dans un gîte aussi, deux mois, pendant les travaux et là, je me suis retrouvée avec mes enfants, dans la forêt, où il n’y avait rien… mais c’était un passage obligé pour être mieux ensuite. 

Comment tes collègues et tes proches ont réagi à ton départ?

Mes collègues ont jugé ça fou tout en se disant qu’ils auraient adoré faire la même chose. Cependant il y a une différence entre penser qu’on aimerait le faire et le faire vraiment. Mes proches aussi ont trouvé un peu fou que je quitte un job très confortable pour me lancer dans quelque chose d’inconnu, mais ils ont toujours été derrière nous pour nous motiver, pour ne pas qu’on se dise justement dans vingt ans : on aurait dû et on ne l’a pas fait. Si ça ne fonctionne pas, ce n’est pas grave, au moins on aura tenté. On n’aura jamais ce regret. 

Qu’est-ce qui t’a aidée à franchir le pas?

J’ai eu besoin de mûrir le projet, d’être sûre que ce qu’on voulait mettre en place soit réalisable et nous convienne. Quand tu prends ce genre de décision, il ne faut pas le faire sur un coup de tête parce que derrière il y a trop de conséquences.Tu dois le réfléchir, en parler, faire part de tes doutes. Julien m’a aidée en me disant qu’on pouvait le faire et que tous les deux on allait y arriver. Il a aussi toujours pris en compte mon avis et mes sentiments sur le fait que je sois prête ou non et sur le fait qu’on puisse bosser ensemble. Il a été très à l’écoute là-dessus. Après, ça s’est fait assez naturellement. Je me suis posé des questions, au début, parce que ce n’était pas mon univers et je n’étais pas sûre que ça me plairait, mais après en avoir discuté des mois et des mois, on s’est lancés. On tente et on verra. C’est toujours pareil. Si l’on n’essaie pas, on ne saura jamais, alors que si l’on essaie et que ça fonctionne, on se dira qu’on a bien fait. 

Sylvie Cacharron s'est reconvertie dans la restauration
« Il ne faut pas prendre ce genre de décision sur un coup de tête. »

Aujourd’hui, quels sont tes sentiments par rapport à l’avenir?

Je suis hyper sereine. On est en train de tout mettre en place pour bien faire les choses et j’ai hâte qu’on commence à communiquer autour du projet. 

Comment s’appellera-t-il?

Le restaurant s’appellera Simone et Jean-Paul en référence à Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre. Ce sont deux grands noms de la littérature, deux personnages atypiques qu’on aime et qui ont vécu une histoire passionnelle et hors du commun. C’est une petite touche plutôt sympa par rapport à nos valeurs et notre façon de penser. 

Sur quelles ressources t’es-tu appuyée ?

Mes enfants. Tout ce qu’on fait là, c’est pour nous, mais c’est avant tout pour eux. Ils auront un patrimoine ensuite, même s’ils en feront ce qu’ils voudront. C’est aussi leur apporter d’autres valeurs comme le courage, l’amour, la volonté, le travail, et leur montrer que rien n’est impossible.

Depuis, il y a eu la crise du Covid-19. Est-ce que cela a changé quelque chose pour vous?

Pas dans l’immédiat puisqu’on est encore en création et en travaux. En revanche, à terme ça va changer pas mal de choses. Je pense que certains restaurants vont devoir fermer autour de chez nous et il va y avoir une baisse de fréquentation. On va être davantage axés sur de la vente à distance ou à emporter. C’est une chance de ne pas avoir démarré avant et de pouvoir prendre en compte la crise pour adapter notre projet.

Tu as dû faire des formations particulières?

Je suis obligée de passer certains diplômes comme le permis d’exploitation pour pouvoir vendre de l’alcool, et me former sur tout ce qui est lié à l’hygiène. Puis, Julien me formera au service. Je n’irai pas en cuisine. C’est Julien et ma belle-mère qui s’en chargeront. Elle est venue habiter à côté de nous pour participer au projet qui est 100 % familial.

Quel bilan fais-tu des premiers mois?

Ça fait tellement de bien de changer de vie, de partir de Paris. Quel bonheur de vivre normalement, d’avoir de l’espace, un extérieur, de voir des gens sympas ! Je n’ai plus de boule de stress ni de boule d’angoisse. Je dors super bien. C’est un truc de malade. Je prends le temps de profiter de la vie, de ma famille, de tout. Et pourtant je n’ai pas forcément plus de temps. Je fais plein de choses, mais je les fais avec envie, joie et bonne humeur. Je me lève le matin, je regarde dehors et je souris. C’est calme, c’est beau, ça sent bon. C’est fantastique. 

Une petite chose qui te manque?

Non, à part ma famille qui est plus loin maintenant. Mes copains je ne les voyais pas forcément plus à Paris. On continue à se donner des nouvelles, ça ne change pas. Depuis que j’avais les enfants, je ne sortais plus le soir et ne faisais déjà plus les magasins, donc ça non plus, ça ne change pas. Non vraiment, rien du tout. Je le conseille à tout le monde. Si c’était à refaire, je le referais dix fois. C’est une des plus belles décisions de ma vie. 

Suivez les aventures de Sylvie sur Facebook ou sur Instagram et retrouvez-la sur son site.

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